Agricolture

La Déclaration de Meknès

L’olivier comme "vecteur de développement durable et de lutte contre les changements climatiques et source d’énergie nouvelle et renouvelable pour les générations futures”. La 5ème edition du Forum international de l’Agro-pôle Olivier

Olio Officina

La Déclaration de Meknès

La 5ème édition du Forum International de l’Agro-pôle Olivier organisée Sous l’Egide du Ministère de l’Agriculture le Mardi 20 décembre à Meknès, a réussi une fois encore son pari en réunissant près de 300 participants, d’éminents experts reconnus et organismes internationaux autour de l’olivier et la valorisation de ses sous-produits. M. Driss Sqalli, Vice-Président de la Région de Meknès a précisé dans son allocution que ce forum qui devient au fil des années un rendez incontournable de la filière oléicole méditerranéenne, ne fait que consolider le statut de Meknès Capital Historique de l’Olivier au Maroc “Meknassa Azzaitouna”. Pour lui, ce Forum, Labélisé COP22, est organisé dans l’esprit de la COP22 de Marrakech et c’est l’occasion de mettre en avant les potentialités agricoles, forestier et agro-industriel de la Région Fès-Meknès et mettre aussi l’accent sur l’environnement surtout les ressources en eau menacés par la pollution des résidus industriels et artisanaux. “Face à cette situation notre région est déjà en action et place la protection de l’environnement, la transition énergétique et écologique, et le recyclage au cœur de ses priorités, pour les principaux secteurs économiques de production”, a t-il ajouté.

Le projet « Olea Green-Food Meknès » présenté lors de ce forum à travers la thématique “L’olivier et l’huile d’olive : quelles perspectives pour l’innovation technologique, l’énergie renouvelable et le développement durable?”, s’inscrit dans ce contexte en tant que solution innovante portée par de multiples parties prenantes privés et publiques et proposée aux industriels et aux agriculteurs visant à développer une oléiculture marocaine durable et respectueuse de l’environnement et en faveur de l’économie circulaire.

Le discours du Secrétaire Général du Ministère de l’Agriculture présenté par le Directeur Régional de l’Agriculture Fès-Meknès Kamal Hidane a par ailleurs révélé que l’olivier, de par ses produits et ses fonctions multiples de lutte contre l’érosion, de valorisation des terres agricoles et de fixation des populations dans les zones de montagne, constitue la principale spéculation fruitière cultivée au Maroc. C’est l’axe principal structurant le développement durable et solidaire de la petite agriculture nationale. “C’est dans ce contexte que le Plan Maroc Vert a réservé une importance particulière à la filière oléicole dont les avancées et les performances font figure d’exemple de succès qu’il convient de consolider et de renforcer. L’ambition du plan Maroc Vert est d’exporter 120.000 tonnes d’huile d’ici 2020, avec des objectifs qui seront atteints avant terme pour les superficies à planter (En 2016, 1,15 millions d’hectares plantés contre 1,22 prévus en 2020 par le Plan Maroc Vert), la production devrait augmenter progressivement d’ici 3 à 4 ans avec les dernières plantations”, a t-il expliqué.

Dans son allocution, M. Michael George Hage, Représentant de la FAO au Maroc, a souligné que « la durabilité est au cœur du nouveau Cadre Stratégique de la FAO. L’Objectif Stratégique 2, en particulier, vise à accroître durablement la fourniture de biens et services issus de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche. Dans un contexte où l’alimentation et l’agriculture sont confrontées à une conjonction de pressions sans précédent, l’Objectif Stratégique 2 propose de traiter les problématiques de durabilité de manière novatrice. Il encourage une action multidisciplinaire et transverse, permettant l’intégration des trois ″piliers″ du développement durable (environnemental, économique et social), et met en avant les moyens de générer la transition à grande échelle, nécessaire pour l’adoption de pratiques agricoles plus durables. C’est pour toute ces raison, que le Slogan de la Journée Mondiale de l’Alimentation de cette année était résumé par ʺLe climat change, l’alimentation et l’agriculture aussiʺ. Un tel forum ne peut que consolider cette stratégie.

Dr Noureddine Ouazzani, Responsable de l’Agro-pôle Olivier de l’Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès, présente par ailleurs ce projet lors de cette rencontre comme une solution innovante de transition énergétique et écologique pour la filière oléicole. “Olea Green-Food Meknès” est une solution « zéro rejet polluant » pour la trituration d’olives et la valorisation des sous-produits et biomasse de l’olivier (noyau d’olive, grignon séché, bois de taille). Il s’agit de mettre à profit les dernières innovations technologiques propres de production d’huile d’olive (système 2 phases) et d’énergie verte à partir de la biomasse de l’olivier” a t-il argumenté. En détails, le projet consiste plus particulièrement à mettre en place une Centrale Bioélectrique Pilote Innovante économiquement soutenable de « Valorisation énergétique des co-produits/biomasse de l’olivier », avec une puissance électrique autours de 14 MWe, permettant d’éviter l’émission de 107.000 à 146.000 tonnes de CO2 par an. La technologie retenue est celle de la cogénération à base de turbines à vapeur. Le principe consiste à produire à partir d’une source d’énergie (biomasse d’olivier), de l’énergie thermique (chaleur) et de l’énergie mécanique (électricité) qui va permettre de produite environ 30 % de la facture de l’électricité de Meknès.

De son côté Zohra Ettaik, Directeur des Energies Renouvelables et de l’Efficacité Energétiques du Ministère des Mines de l’Energie a mis l’accent sur le modèle de la transition énergétique nationale et ses mesures d’accompagnement, notamment en matière de la valorisation énergétique de la biomasse dans le secteur de l’agriculture ainsi que les solutions prises pour un développement durable dans ce domaine. Elle a indiqué que face à la raréfaction des ressources naturelles, la logique actuelle d’économie de marché, fondée sur un modèle linéaire de consommation «extraire-fabriquer-consommer-jeter», atteint ses limites. L’enjeu est aujourd’hui de changer de paradigme en passant à un modèle économique respectant l’environnement et répondant à l’enjeu de la raréfaction des ressources. “L’économie circulaire permet donc de diminuer le prélèvement des ressources, de réduire la production de déchets et de restreindre la consommation d’énergie. Elle vise aussi à sécuriser l’approvisionnement de l’économie en matières premières, transformé et réindustrialiser des territoires, créer des emplois et augmenter la compétitivité des entreprises. La plupart des pays impliqués dans l’économie circulaire considèrent que la biomasse offre des chances de transition vers une économie durable”, a-t-elle précisé. Zohra Ettaik a par ailleurs annoncé que le Département de l’Energie et des Mines a lancé une étude pour l’élaboration d’une stratégie nationale de valorisation énergétique de la biomasse. Cette étude a pour objectif d’analyser les flux de matières des différentes filières de la biomasse afin d’apprécier leurs potentiels de valorisation énergétique et de mettre en place une stratégie nationale qui sera déclinée en plans d’actions.

Les expériences réussies sous d’autres cieux

Ces donnés ont été par ailleurs largement corroboré par les interventions des experts et représentants des organismes espagnoles, italiens, et grecques présents lors de cette cinquième édition du Forum.

Le secrétaire général du Conseil Oléicole Internationale (COI), Fransisco Serafini, a insisté sur la reconnaissance de l’olivier comme vecteur de lutte contre les changements climatiques. “On a beaucoup écrit sur le changement climatique et sur l’impact possible de ce phénomène sur l’oléiculture, aussi bien sur le plan physiologique (de la plante) que sur le plan économique. Si, comme cela est prévisible, l’aire de distribution de l’olivier se déplace vers le Nord en raison des effets du réchauffement climatique, ce phénomène n’affecterait pas seulement la production mais engendrerait surtout un problème social qui, en l’absence de mesures adéquates, pourrait avoir des conséquences graves”, a t-il expliqué. Il a souligné que ce serait une erreur d’aborder uniquement le problème d’un point de vue économique. Il convient selon lui, d’examiner la situation d’un point de vue culturel et social dans la mesure où l’olivier fait partie du patrimoine et de l’identité des pays du bassin Méditerranéen où il joue un rôle fondamental. L’olivier contribue à ralentir la désertification et l’érosion dans les régions concernées et permet ainsi de maintenir les populations en milieu rural. Il a par ailleurs mis l’accent sur l’adoption de pratiques agronomiques adéquates qui permettent à l’olivier de contribuer à la réduction des gaz à effet de serre, rappelant que différentes études scientifiques avaient démontré que l’oléiculture a des effets positifs sur l’environnement et que l’adoption de pratiques agronomiques adéquates permet d’augmenter la capacité de fixation du CO2 de l’atmosphère dans les structures végétatives permanentes (la biomasse) et dans le terrain. Il a conclue que l’oléiculture fait partie de notre être méditerranéen et l’huile d’olive est le pilier de notre alimentation depuis des millénaires.”C’est notre devoir de protéger cette plante qui a tant donné à l’humanité et qui continue à lui donner le meilleur d’elle-même, malgré tout… malgré l’homme”.

Dr José Antonio La Cal Herrera, professeur à l’Université de Jaén, a indiqué dans son intervention sur l’expérience de l’Andalousie de la valorisation énergétique des sous-produits et biomasse. “L’olivier a progressivement étendu sa fonction alimentaire traditionnelle pour devenir aussi un fournisseur de ressources énergétiques. Dans ce sens, il est générateur d’un volume significatif de la biomasse. De la ferme olive au moulin à huile ou l’extraction de l’huile de grignons, qui sont les deux grandes industries associées à la production d’olive”, a t-il indiqué. Et affirme que la trituration de 1 ha d’oliviers peut générer un total de 2,32 t / ha de biomasse pour récupérer l’énergie. “L’Andalousie a développé la valorisation énergétique intégrée des sous-produits de l’olivier en installant des complexes industriels pour la production d’énergie renouvelable à partir de la biomasse”, a t-il ajouté.

Valeriano Ruiz Hernández Directeur General du Ctaer a de son côté démontré dans sa présentation les effets des olives comme «collecteurs» de CO2 et la capacité de réduire la dépendance aux combustibles fossiles et réduire ses émission de CO2. “L’olivier est un arbre qui absorbe le CO2, l’eau et les nutriments grâce à la photosynthèse. Un olivier d’une taille et âge moyen, absorbe 450 kg de CO2 produit 35 kg d’olives. Les 35 kg d’olives sont responsables de l’absorption d’environ 128,5 kg de CO2″, a t-il expliqué. Et ajoute qu’une voiture moyenne en Espagne émet 148 g CO2 par km et un être humain produit sur 1 kg CO2 par jour. C’est-à-dire un seul olivier absorbe le CO2 l’émission d’un être humain et une voiture qui parcourrai 574 km. En Andalousie, les 175 millions d’oliviers absorbent 78,7 Mt de CO2 par an”.

Valeriano Ruiz Hernández a affirmé que le potentiel de la biomasse total détectée en Andalousie est estimé à 3955 ktep.

Pour sa part, Dr E. Lardo du Département des cultures européennes et de la Méditerranée: Architecture, Environnement, Culture Patrimoine de l’Université de Basilicate en Italie a soulevé la question du stress hydrique et du recyclage des eaux usées à travers des expériences réalisées dans la région de Basilicate (sud de l’Italie) réputée par son climat semi-aride. Il a conclu que l’adoption d’une gestion durable peut accroître la qualité du sol et sa capacité à générer des bénéfices pour l’environnement. “Les résultats ont démontré que l’application de pratiques agricoles durables dans les vergers d’oliviers sont positif. En termes de fertilité des sols et de biodiversité, avec des bénéfices pour l’ensemble de la stabilité de l’agro-écosystème” a-il précisé.

La “Déclaration de Meknès en Faveur de l’Olivier”

Parmi les moments forts de ce 5ème Forum International de l’Agro-pôle Olivier de Meknès, le lancement par les experts et les personnalités participants d’une déclaration en faveur de l’Olivier. L’idée de la “Déclaration de Meknès” en faveur de l’Olivier est née des débats engagés dans les Side-Events COP22 organisés sur la “thématique olivier” par le Conseil Oléicole International et l’Agro-pôle Olivier ENA Meknès, souligne Dr Noureddien Ouazzani, initiateur de la “Déclaration de Meknès en faveur de l’Olivier”. L’olivier doit être reconnu comme “un vecteur de développement durable et de lutte contre les changements climatiques et source d’énergie nouvelle et renouvelable pour les générations futures”, lit-on dans la déclaration sanctionnant les travaux de cette rencontre internationale. Cette initiative COP22 est porté par le Conseil Oléicole International, la Fondation “Olivier Promo Meknès”, le Réseau Méditerranéen des Villes de l’Huile d’Olive (Re.C.O.Med), l’Association des Villes de l’Huile d’Olive d’Italie, et l’Association des Municipalités de l’Huile d’Olive d’Espagne (AEMO)

A noter que cette 5ème Edition du Forum International de l’Agro-pôle Olivier placée Sous l’Egide du Ministère de l’Agriculture a été parrainée par le Conseil Oléicole International, appuyée par Conseil de la Région Fès-Meknès, le Conseil de la Ville de Meknès, le Conseil Préfectoral de Meknès, l’Interprolive, la Fondation “Olivier Promo Meknès” et l’Association UDOM, et sponsorisée par le Crédit Agricole du Maroc, LCM-Aïcha, le Groupe OCP, MEDZ, Ain Ifrane, et Olea Capital.

Cette rencontre a été également organisée à l’occasion de la célébration, par le Conseil Oléicole International, de la Journée Mondiale de l’Olivier. Cette année, les pays membres du Conseil oléicole international célèbrent ensemble la Journée mondiale de l’olivier pour lancer un message commun : “Avec l’olivier, défendons notre planète et préservons notre santé !”.

Après le Side-Event COP22 de Marrakech, cette rencontre a réuni des représentants du Réseau Méditerranéen des villes de l’huile d’olive (RECOMED), l’Association nationale des cités de l’huile d’olive d’Italie, l’Association des municipalités de l’huile d’olive d’Espagne, la Fondation Routes de l’olivier de la Grèce, la Fondation “Olivier Promo Meknès”, la Fondation Global Nature, Espagne, le Centre de Technologie avancée de l’Energie Renouvelable de l’Andalousie, et la Députation et l’Université de Jaén (Espagne).

A propos du Forum International de l’Agro-pôle Olivier

Le Forum International de l’Agro-pôle Olivier est une rencontre internationale initié par l’Agro-pôle Olivier ENA Meknès. C’est une plateforme d’échange de savoir et de savoir-faire en matière d’oléiculture en passant, à chaque édition, en revue les expériences méditerranéennes en matière de bonnes pratiques oléicoles, d’innovation technologique de production d’huile d’olive de qualité et la valorisation des sous-produits de l’olivier, organisation de la profession oléicole, en particulier le fonctionnement des coopératives oléicoles et de l’interprofession, les nouvelles tendance des stratégies de commercialisation et de marketing de l’huile d’olive etc… Depuis sa première édition, ce forum attire annuellement des experts éminents et des organismes de notoriété internationale.

Photo: Olio Officina

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